Toute l’actualité sur les assurances construction
Le 26 Février 2016 – ASSURANCE DOMMAGES AUX BIENS – RISQUES CONSTRUCTION – RÉGLEMENTATION
L’ASSURANCE CONSTRUCTION ÉVOLUE EN TERRAIN MOUVANT.
L’assurance construction vit sous tension depuis que la crise sévit dans le bâtiment. En plus du suivi des indicateurs économiques du secteur, les assureurs construction ont eu à surveiller de près, ces derniers mois, deux initiatives législatives : la loi de la transition énergétique et la loi Macron. L’enjeu de la première était de savoir si l’équilibre de lâ responsabilité civile décennale IRCD) allait être menacé ou non par le défaut de performance énergétique. Non, a priori. Mais la vigilance reste de mise tant le texte voté en août 2015 laisse la place à l’interprétation. La seconde instaure une obligation d’attestation en RCD, dont le contenu vient d’être précisé par un arrêté. Les assureurs ont quelques mois pour adapter leurs documents et systèmes d’informations.
Performance énergétique – Réglementation
La RC décennale s’applique sous conditions drastiques
Dans le petit cercle de l’assurance construction, le sujet faisait débat depuis I ‘entrée en vigueur de la réglementation thermique 2012 (RT 2Ol2) imposant une consommation énergétique moyenne par bâtiment. Le défaut de performances énergétique pouvait-il s’apparenter à un désordre rendant le bâtiment impropre à l’usage attendu ? Autrement dit, la RCD du constructeur pouvait-elle être engagée pour » impropriété à destination » ? Dans l’affirmative, il y avait matière à craindre une augmentation des réclamations et donc un risque de déséquilibre de la branche. La loi sur la transition énergétique du 17 août 2015 est venue apporter une réponse : l’impropriété à destination qui enclenche la garantie RCD peut bien être retenue en matière de performances énergétique. Mais uniquement dans l’hypothèse où un dommage matériel en lien avec l’ouvrage est constaté. « Arguer d’une facture d’électricité élevée ne suffira pas « , note Anne-Lise Gillet du pôle juridique de la direction technique de SMABTP. De plus, l’impropriété à destination ne peut être retenue qu’en cas de surconsommation énergétique intervenant dans des conditions d’usage et d’entretien appropriées. Surconsommation qui doit, par ailleurs, engendrer une utilisation de l’ouvrage « à un coût exorbitant ».
Ce cumul de conditions restrictives laisse penser que les occasions de mobiliser la RCD seront rares. En théorie du moins. Car bon nombre de termes utilisés » surconsommation », « coût exorbitant », « condition d’usage et d’entretien appropriée » – restent vagues. « C’est la jurisprudence qui va nous éclairer sur ce que le législateur a voulu dire », observe Bernard Bailleul, directeur technique construction chez Allianz France.
La RDC… mais pas seulement
Si la RDC n’est pas engagée, d’autres garanties peuvent cependant être amenées à intervenir : RC travaux, garantie de bon fonctionnement, garantie des dommages intermédiaires, voire RC professionnelle de l’entreprise de construction.
Sur le terrain, certains acteurs ont lancé des polices spécifiques. C’est le cas d’Allianz France. Dès 2013, la compagnie a mis en place dans son offre BTP, conçue pour les réalisateurs, une garantie performance énergétique. Au fur et à mesure de l’évolution des produits destinés aux promoteurs, aux maîtres d’œuvre et autres intervenants, nous l’intégrons à nos garanties complémentaires à la RCD, au même titre que les autres garanties facultatives telles que garantie de bon fonctionnement ou dommages intermédiaires », explique Bernard Bailleul.
Cette nouvelle garantie fait référence à la réglementation « en vigueur » – en l’état la RT 2012 -, une référence générale qui évite d’avoir à souscrire un nouveau contrat à chaque changement de législation selon Bernard Bailleul. « En revanche, si un promoteur prend des engagements supérieurs, il ne sera pas couvert, cela entre dans le registre de ses risques d’entreprise », précise-t-il.
Autre spécifique : cette garantie n’intervient qu’au bout d’un an à compter de la réception de l’ouvrage. Chez SMABTP, les contrats ne contiennent pas de garantie spécifique concernant la performance énergétique car ils répondent déjà aux besoins du marché sur ce sujet, selon Anne-Lise Gillet. « Nous proposons des contrats tous fondements juridiques qui incluent la responsabilité civile décennale et la responsabilité contractuelle en présence de dommages à l’ouvrage après réception du fait d’un non-respect de la réglementation. » Dans les cas où il n’y aurait pas de dommages matériels, une surconsommation se traduira par une dépense financière et pourra être assimilée à un dommage immatériel non consécutif.
Rester vigilants
Face à la nouveauté que représentent les réclamations liées la performance énergétique – aucun dossier en lien avec la RT 2012 n’a été mentionné à ce stade – et au risque toujours existant que la RCD ne soit engagée, la vigilance est e mise. A l’avenir, les assureurs scruteront avec attention ls réclamations qu’ils reçoivent afin détecter les dommages qui pourraient évoluer vers un défaut de performances énergétiques et de prendre, en amont, les mesures nécessaires pour éviter les litiges qui pourraient survenir. « Face à des demandes d’indemnisation- au titre de la RCD – liées à une surconsommation énergétique, il nous faudra faire preuve de pédagogie », indique Anne-Lise Gillet de la SMABTP qui confirme la mise en place d’un circuit particulier pour le traitement de ces éventuelles nouvelles réclamations. Reste à savoir si tous les acteurs de l’assurance construction auront la même lecture. « Le risque c’est que les assureurs DO et RCD n’aient pas la même interprétation et se concrétisent », explique Bernard Bailleul. Dans ce contexte encore flou et mouvant, ce sujet reste une préoccupation du marché et suscite des réflexions au sein de la FFA.
ESTELLE DURAND
LOI HAMON – RESPONSABILITEE CIVILE DECENNALE
Attester n’est pas assurer
La loi Hamon du 17 Mars 2014 les a inscrites dans le code des assurances. La loi Macron du 6 Août 2015 a affiné le texte de l’article L.243-2 du code des assurances s’afférant.
Enfin ! Le 1er Juillet prochain, le modèle d’attestation d’assurance de responsabilité civile décennale (RCD) des constructeurs, fixé par un arrêté du 5 Janvier 2016, sera en vigueur pour les chantiers dont l’ouverture est postérieure à cette date. Les réflexions autour de cette question animent la communauté de l’assurance construction depuis près de 30ans. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de répondre un besoin d’intérêt général : donner de la sécurité juridique au marché de l’immobilier, pour les particuliers et les investisseurs, sans pour autant faire de l’assurance RCD une garantie automatique. En effet, c’est bien de responsabilité – complexe – dont il s’agit. Raison d’ailleurs pour laquelle une assurance dommages-ouvrage (DO) existe. Elle sert à préfinancer les travaux en cas de sinistre, avant un recours éventuel vers les responsables et leurs assureurs. Du côté de la fédération française du bâtiment (FFB)n Sarah Lespinasse, en charge de l’assurance, ajoute qu’en « renforçant les possibilités de contrôler l’assurance obligatoire, nous espérons pouvoir lutter plus efficacement contre la concurrence déloyale ».
L’ordre public, c’est du solide
Les courtiers, très attachés à la force probante de l’attestation (voir encadré), la jugent « globalement satisfaisante », comme l’explique Christophe Pagès, directeur du département risques techniques de Marsh France, « notamment, perce que les mentions minimales qu’elle contient sont d’ordre public ». Il poursuit : « néanmoins, il était possible de faire mieux. C’est-à-dire plus sécurisant en termes de fiabilité de l’existence de I ‘assurance ». En la matière, la fissure principale est celle du paiement de la prime. En effet, attester n’est pas assurer. En cas de non-paiement de la prime par l’assuré, le maître de l’ouvrage pour être confronté à un cas de non-assurance. Pascal Dessuet, directeur délégué construction et immobilier chez Aon France enfonce Ie clou « si l’attestation est émise après la date d’ouverture de chantier, je préconise d’exiger une attestation de paiement de primes ».
S’adapter aux changements
Sur un plan opérationnel, d’autres difficultés se font ressentir. L’attestation RCD peut être complétée par des mentions facultatives. Au final, les assureurs vont devoir adapter leur modèle d’attestation. Un chantier informatique coûteux : il se chiffrerait à plusieurs centaines de milliers d’euros selon certains. Pour le courtier, ce seront autant de documents à analyser : 60 000 par an chez Marsh, à titre d’exemple ! Pour le maître de l’ouvrage profane, ce ne sera pas très lisible. « Étant donné le nombre d’informations à fournir je ne suis pas certain que tous les consommateurs s’y retrouver », prévient Bernard BailleuI, directeur technique construction d’Allianz France. Au final, ce texte apparaît comme un édifice solide mais perfectible par la pratique et vecteur de bons usages professionnels. La construction, c’est d’abord in situ que ça se passe.
JEROME SPERONI
ARTICLE du 01.07.2016 – LE RISQUE CYBER : DES ATTEINTES AUX SYSTEMES ET AUX DONNEES
Le cyber est un risque à fort potentiel pour les assureurs qui voient là une nouvelle matière assurable, Plutôt bienvenue dans un contexte atone en risques d’entreprises. Pourtant les portefeuilles tardent encore à se remplir. La vulgarisation de ce risque est un enjeu de raille pour le marché.
Les attaques cyber font désormais partie du quotidien des entreprises. Selon la dernière étude sur la sécurité informatique de PwC, elles ont même augmenté de 5l % en France entre 2014 et 2015. Une hausse d’autant plus remarquable que, dans le même temps, les attaques n’ont progressé que de 38 % au niveau mondial. Pourtant, 55 % des entreprises interrogées par le courtier Marsh l’automne 2015 ne considéraient pas l’assurance comme une solution à cette menace. Selon une étude conjointe d’Ifop et PwC datant de septembre 2015, moins de 5 % des entreprises françaises ont souscrit une cyber-assurance. Sachant que les enquêtes sur le taux de couverture du risque cyber sont à nuancer en raison du flou qui règne encore sur sa définition. « Certaines entreprises pensent être couvertes Par la RC Pro, la garantie tous risques informatiques, la fraude, etc. », prévient Astrid-Marie Pirson, expert sinistres TMT (technologies, média, télécom) chez Hiscox.
Or, au moment d’un sinistre, une entreprise qui se croit protégée peut avoir de mauvaises surprises. En 201I, après un piratage de grande ampleur Sony avait essayé de faire jouer sa RC Pro, sans succès. L’attaque avait entrainé le vol des données personnelles de plus de 77 millions d’utilisateurs et l’indisponibilité, pendant plus de trois semaines, d’un service de jeu vidéo en ligne générant un chiffre d’affaires annuel d’environ 450 M€. Paradoxalement, ces chiffres vertigineux ont toutefois un effet contreproductif en matière de sensibilisation au risque cyber. Une entreprise française de taille intermédiaire n’imagine pas pouvoir être exposée aux mêmes risques qu’une multinationale qui manie des millions de données. « Nous avons beaucoup utilisé les exemples de sinistres aux États’ Unis car il s’agissait des seuls dont nous disposions. Cependant, les entreprises françaises ne se sentent pas suffisamment concernées par ces scénarios lointains », développe Guillaume Deschamps, directeur du pôle Finex (lignes financières) chez Gras Savoye. D’où l’importance d’illustrer le risque cyber avec des exemples concrets et adaptés à la typologie de l’entreprise.
« Le mot « cyber » est parlait pour attirer I ‘attention, mais il a un côté science-fiction qui ne correspond pas à la réalité de la menace. Or le cyber n’est pas un risque exotique », argumente Kadidja Sinz, ex-directrice générale d’XL Catlin France. Les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs sont victimes d’attaques informatiques. Très concrètement. « Le cyber n’est pas qu’un relais de croissance, c’est un risque potentiellement morteI pour les entreprises de toutes tailles », confirme Patrick Duplan, nouveau délégué général de l’Apref (association des professionnels de la réassurance en France). Cet organisme suit de près I ‘évolution des souscriptions, conscient que le secteur des TPE/PME, s’il se couvrait en masse, contribuerait à la protection de marché.
Tous concernés
La diffusion du risque à l’ensemble des secteurs est directement liée à l’évolution des typologies d’attaques. « Nos premiers clients furent les assureurs eux-mêmes ! C’est donc la preuve qu’au-delà du relais de croissance que représente le cyber, il y a un besoin identifié », aime ainsi à rappeler Robert Leblanc, président d’Aon France. Les premières entreprises sensibilisées furent effectivement les entreprises financières et plus largement celles qui sont en lien direct avec le consommateur final et qui stockent des informations personnelles. Sur ce risque, le marché s’est d’abord focalisé sur les conséquences d’une fuite de données en matière de responsabilité civile. En France, les opérateurs télécoms, par exemple, sont soumis à un devoir de notification, sous peine d’amende.
Et, au-delà de la notification, les entreprises qui font face à des fuites de données personnelles doivent supporter des frais, parfois sous-estimés, qui alourdissent la facture. Ainsi, en cas de fuite de données bancaires, une banque va se retourner contre l’entreprise piratée pour demander le remboursement des frais de création de nouvelles cartes de paiement. Aussi, même avec un nombre restreint de données volées, la facture grimpe rapidement. Puis, sous l’impulsion des risque managers, le marché a pris en compte les craintes des entreprises qui ont des chaînes d’approvisionnement largement robotisées. En 2014, un logiciel malveillant, Havex, a ainsi été découvert et jugé capable d’espionner et de comprendre le fonctionnement de systèmes Scada qui contrôlent et pilotent les infrastructures industrielles de plusieurs groupes européens. L’évidence fait son chemin : aucun système informatique ne fonctionne plus en vase clos. En décembre 2014, les systèmes de contrôle industriel d’une aciérie en Allemagne ont ainsi été piratés via la simple réception de courriels.
Enfin l’extension de Ia menace cyber aux plus petites entreprises est liée à la typologie d’attaque qui a accaparé l’attention de tous les spécialistes de sécurité informatique en 2015 : les « ransomware » qui cryptent les données contenues dans l’ordinateur d’un salarié, avant de demander une rançon en échange de leur restitution. Ces attaques sont lancées de manière automatique. Elles ciblent simultanément des centaines de systèmes informatiques pour trouver une ou plusieurs brèches. Pas besoin d’exercer une activité critique pour en être victime. Or les systèmes d’information qui défaillent le plus fréquemment sous ces attaques sont justement ceux des entreprises de petite taille qui se retrouvent sous les tirs croisés des hackers. Selon une étude réalisée par Symantec, les PME ont été victimes de 77% des attaques en France, en 20I4. Des petites et moyennes structures qui représentent 98% des entreprises françaises (Insee). Of les PME sont aussi des entreprises plus vulnérables aux conséquences en cascade d’un piratage.
« Souvent, quand on parle de cyber-assurance à une entreprise, elle nous explique qu’elle n’est pas exposée car elle dispose d’un très bon informaticien. 0r les experts à missionner et l’informaticien interne ne font tout simplement pas le même métier. »
ASTRID-MARIE PIRSON, expert sinistres TMT chez Hiscox.
Les PME sous les tirs croisés
En avril, un transporteur des Landes a été victime d’un piratage via un mail infecté intitulé « scanner@hansportguyamier », selon nos confrères de Sud-Ouest. Les pirates demandaient 5000 €, en Bitcoin (NDLR : monnaie électronique), pour débloquer les données. Et la rançon, que les autorités conseillent de ne pas payer, n’est pas le seul élément qui alourdit la facture. En effet, l’attaque a paralysé l’activité de cette société de I50 salariés. Plus d’accès aux boîtes mails, à la facturation, aux feuilles de route des chauffeurs, aux feuilles de paye, etc. Autant de données à reconstituer. Astrid-Marie Pirson, chez Hiscox, ajoute qu’il faut souvent recourir à des ressources externes, avec des compétences techniques pointues, pour remettre une Enterprise en ordre de marche après une attaque. Un paramètre que les entreprises n’appréhendent pas. « Souvent, quand on parle de cyber-assurance à une entreprise, elle nous explique qu’elle n’est pas exposée car elle dispose d’un très bon informaticien, témoigne-t-elle. Or « les experts à missionner et l’informaticien interne ne font tout simplement pas le même métier, et les entreprises non ont pas forcément conscience.» Les experts permettent, également, de vérifier qu’aucun logiciel malveillant n’a été installé pendant l’attaque, car le piratage d’une PME peut être un premier jalon posé par un hacker pour atteindre ensuite une grande entreprise via sa chaîne de sous-traitance. « Elles sont aussi victimes d’attaques ciblées pour exfiltrer des brevets confiés par des donneurs d’ordre », prévient Yves Jussot, coordinateur sectoriel à l’Anssi. Ces exemples d’attaques sur les PME, de plus en plus nombreux, sont indispensables pour sensibiliser I ’ensemble des sociétés au risque cyber. Un atout de plus pour les agents et courtiers de proximité qui se positionnent en première ligne sur ce marché. « Nous voyons des saisines provenant de courtiers de toutes tailles, cat le cyber est un point d’entrée pertinent pour saturer un portefeuille d’entreprises », éclaire Astrid-Marie Pirson. La sensibilisation à ces nouvelles menaces croissantes permet aux intermédiaires de proposer une approche globale el sur-mesure en matière de gestion des risques.
HAUDE-MARIE THOMAS
LE DEFI DU RISQUE SYSTEMATIQUE
Le jeune marché du cyber est confronté à la menace d’un sinistre d’ampleur mondiale.
« Avec le cyber, il faut accepter de changer de territorialité : le risque est mondial », alerte Astrid Marie Pirson, chez Hiscox. L’assurance sait gérer la problématique des cumuls avec les catastrophes naturelles, mais on parle ici de sinistres potentiellement simultanés et répartis aux quatre coins du globe. Car le digital est désormais au cœur de toute activité économique. En finance, trading à haute fréquence est ainsi automatisé. Ce qui ouvre Ia voie à de nouveaux risques vertigineux… En Mai 2010, tous les voyants des entreprises cotées à la bourse de New York sont ainsi passés au rouge pendant 14 minutes, coûtant plusieurs millions d’euros, en raison de la défaillance d’un seul robot. Il ne s’agissait a priori pas d’une attaque, mais la panne fait partie des risques cyber Dans l’industrie, les dan8ers sont identiques. En 2014, 650000 voitures Ford Fusion ont été rappelées en Chine en raison de risques de redémarrage automatique inopiné 30 minutes après stationnement (sous certaines conditions) et en mai 20I5, Ia FAA (Fédéral American Aviation) envoyait une circulaire d’urgence demandant une réinitialisation tous les 248 jours de certains systèmes informatiques sur les Boeing 787. L’un des scénarios catastrophes des assureurs transports n’est autre qu’un bug simultané de l’ensemble des appareils disposant du même système, en vol, aux quatre coins de la planète. Pour modéliser les risques cyber les assureurs doivent donc apprendre à anticiper des évolutions technologiques galopantes.
Des nuages menaçants
Parmi ces évolutions, les assureurs surveillent de près Ia dépendance des entreprises au stockage de leurs données sur des C/oud (serveurs qui hébergent les données à distance). Car cette tech nique oblige les assureurs à envisager des cartographies cyber, qui complexifient celles de la chaîne d’approvisionnement physique, déjà périlleuse car mouvante. Le digital multiplie les risques. « Dans une chaîne de sous-traitance, même si les cartographies sont complètes, on peut savoir en temps réel ou sont stockés les différents éléments d’un avion. C’est beaucoup plus dur pour une donnée », observe Iouri Goloubtzoff, responsable solution cyber risques chez AGCS. Les assureurs tentent donc de s’organiser. « Pour faire face au risque systémique, plusieurs réponses sont possibles, La première est d’exclure dans les textes le sinistre systémique dû à une défaillance extérieure à l’organisation. La deuxième réponse est d’évaluer l’exposition et de faire remonter des points de risque systémique, comme on peut le faire sur le risque de pandémie, par exemple », développe Lucien Mounier souscripteur cyber pour Beazley.
Mais il n’est pas toujours aisé de faire remonter les informations d’hébergement des clients. AGCS a, par exemple, mis en place un programme pour suivre son exposition face à la pratique généralisée de l’externalisation des données (ou infogérance). « Mais ce suivi n’est pas automatisé en mode big data : il repose sur des questionnaires ou des informations transmises oralement. Il dépend uniquement de I ‘effort de transparence de nos clients », précise Iouri Goloubtzoff. Le suivi des cumuls est un défi permanent. Or, avec des ampleurs potentiellement massives, mondialisées et une interconnexion forte des entreprises, renforcée par leur usage d’un nombre d’hébergeurs Cloud limité, les sinistres à modéliser prennent rapidement des allures de scénario catastrophe. Mauro Signorelli, souscripteur au Lloyd’s et expert cyber chez XL Catlin, précise que Ia couverture des risques de l’externalisation des données est proposée sur le marché londonien et sur les marchés internationaux, mais pas aux Etats-Unis ou le nombre d’hébergeurs utilisés par les entreprises est encore plus restreint qu’en Europe.
HAUDE-MARIE THOMAS
Source : L’argus de l’assurance N°7464 01 Juillet 2016
DES CYBERATTAQUES DE PLUS EN PLUS MEDIATISEES
12-13 mai 2O17
Le virus Wanna Cry aurait paralysé, plus de 230 000 ordinateurs de multinationales et de services publics dans 150 pays. Parmi les victimes : Renault et FedEx. L’opérateur de télécoms espagnol Telefonica, la compagnie ferroviaire allemande Deutsche Bahn. Estimation des pertes économiques :4 à 8 Md$.
27 juin 2O17
Le ransomrvare NotPetya a d’abord touché des banques, des aéroports et des structures gouvernementales en Ukraine, avant de frapper le géant pétrolier russe Rosneft, I ‘allemand Beiersdorf. Auchan, Saint-Gobain, le géant maritime Maersk. FedEx et le géant de l’agroalimentaire Mondelez. Facture totale estimée : 10 Md$, dont 3 Md$ de pertes assurées.
21 Février 2O19
L’organisme international qui attribue les adresses lnternet avertit que des attaques visent des noms de domaine. Les sites gouvernementaux chypriotes, des Affaires étrangères des Émirats arabes unis et du ministère des Finances du Liban sont touchés. Ainsi que le ministère des Affaires étrangères égyptien, l’aviation civile du Koweït, le ministère de la Défense égyptien, les services secrets d’Albanie et de Jordanie…
Source : L’Argus de l’assurance N°7620 du 6 Septembre 2019
ARTICLE – LES CONSTRUCTEURS ETRANGERS FACE A L’OBLIGATION D’ASSURANCE
Les constructeurs étrangers peuvent conclure des marchés en France, grâce au dispositif de libre prestation de services. Et cela sans avoir forcément souscrit l’assurance de responsabilité civile décennale.
L’ouverture du marché français de la construction aux constructeurs étrangers a été renforcée par la directive 2006/123 CE relative aux services ans le marché intérieur. Les constructeurs étrangers peuvent, désormais, librement proposer luis services pour édifier des immeubles en France sans disposer d’un « établissement sur me territoire. Cette situation se rencontre dans les régions frontalières mais aussi dans le cadre de projet de construction important dont les marchés sont confiés à des architectes et constructeurs étrangers. Cette ouverture s’est réalisée sans une véritable réflexion sur les règles assurantielles applicable aux constructeurs étrangers et, en particulier, sur la possibilité qui pourrait leur être offerte d’effectuer des travaux de construction en France sans disposer d’une assurance de responsabilité civile décennale.
L’obligation d’une assurance RC décennale
Les constructeurs français réalisant des travaux dans leur pays sont tenus de disposer d’une assurance de responsabilité civile d décennale. L’article L.241.1 du code des assurances précise, en effet que « toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par l’article 1792 est suivant du code civil à propos des travaux de bâtiments doit être couverte par une assurance ». Le manquement à cette obligation est pénalement sanctionné par l’article L.243-3 du code des assurances. Le contrat d’assurance souscrit par le constructeur, à cette occasion sera nécessaire régi par le droit français. L’article L.182-1 du code des assurances dispose en effet que « Les contrats destinés à satisfaire une obligation d’assurance imposée par une loi française sont régis par le droit français ». Ces textes constituent une loi de police. Ils imposent aux constructeur régis par le droit français d’être couvert par une assurance de responsabilité civile. Il n’est pas possible d’y déroger.
Le contournement des règles
Les règles de droit international privé compliquent la situation lorsqu’un constructeur étranger réalise des travaux en France. Si le contrat de construction est régi par le droit français, il n’existe aucune difficulté. L’entreprise étrangères retrouve soumise à la présomption de responsabilité établie par les articles 1792 et suivant du code civil. Il est tenu d’être couvert par une assurance RCD. Les contrats de construction ne sont cependant pas nécessaires régis par le droit français.
1/ Les parties sont susceptible d’indiquer expressément qu’un droit étranger s’applique. C’est le principe d’autonome de la volonté. Il n’existe, des lors, pas d’obligation d’être couvert par une assurance de responsabilité civile décennale puisque le constructeur n’est pas tenu de la présomption de responsabilité « française » des articles 1792 et suivants.
2/ En l’absence de clause convenue par les parties, il est nécessaire de rechercher le droit applicable au contrat de construction conclu entre le maître d’ouvrage français et le constructeur étranger.
En l’espèce, le constructeur étranger est un prestataire de services qui sera applicable au contrat de construction. Toutefois et en application de l’article 4-3 dudit règlement, il pourrait être exceptionnellement fait application du droit français si le juge considère que l’opération d construction présente des « liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe (…) ». La jurisprudence applicable sur cette question est cependant restrictive.
En revanche, un constructeur étranger qui conclut un contrat de construction avec un maître d’ouvrage français qualifie de « consommateur » devra être assuré car leur contrat sera nécessairement régi par le droit français en application de l’article 6 du règlement Rome 1 régissant le droit applicable aux contrats conclus par des consommateurs.
Enfin, la doctrine s’est interrogée sur la possibilité de qualifier le régime des articles 1792 et suivant le régime des articles 1792 et suivant de « loi de police ». Seul un arrêt de la cour d’appel de Paris s’est prononcé et a indiqué que les articles 1792 et suivant du code civil ne constituent pas une « disposition dont l’application est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays, que ne s’agissant pas d’une loi de police, ces dispositions ne sont applicable qu’en droit interne et non pas en droit international, que c’est donc à tort que les premiers juges ont décidé que le droit français sera applique dès lors que la garantie décennale du constructeur est un principe d’ordre public ». Cet arrêt est peu motivé et critique, il n’en reste pas moins la seule jurisprudence connue sur cette question. En l’état actuel du droit positif français, la présomption de responsabilité des articles 1792 et suivants ne constitue donc pas une loi de police et il n’existe, de ce fait, pas nécessairement d’obligation pour le constructeur étranger de disposer d’une assurance RCD.
Des situations différentes
En l’état actuel de la jurisprudence, quatre situations sont donc envisageables :
1/ Un constructeur français intervenant en France devra toujours disposer d’une assurance de responsabilité civile décennale ;
2/ Un constructeur étranger intervenant en France devra disposer d’une assurance de responsabilité civile décennale si le maître d’ouvrage est un consommateur français.
3/ Un constructeur étranger intervenant en France devra disposer d’une assurance de responsabilité civile décennale si le contrat de construction comprend une clause expresse précisant que le droit français est applicable.
4/ En revanche, en dehors de ces hypothèses, il n’est pas exclu qu’un constructeur étranger intervenant en France puisse soutenir à raison qu’il n’est pas tenu de bénéficier d’une couverture d’assurance responsabilité civile décennale sous réserve toutefois qu’il ne puisse être démontre que le contrat de construction litigieux présenterait au sens du règlement Rome 1, un « lien manifestement plus étroit » avec la France qu’avec le pays du constructeur étranger ( ce qui ne peut qu’exceptionnellement être admis ».
Vigilance à la souscription
Il existe un risque réel que des travaux de construction soient réalisés en France sans que le constructeur dispose d’une couverture d’assurance appropriée. Le maître d’ouvrage qui exerce son recours contre le constructeur étranger est susceptible de découvrir que le constructeur étranger n’est pas solvable et/ou que le contrat d’assurance souscrit par ce dernier est régi par un autre système juridique que le droit français et qu’il ne permet pas de couvrir entièrement le sinistre subi. Il est donc recommandé d’insérer dans le contrat de construction une clause précisant que le contrat est régi par le droit français. En tout état de cause, et en l’attente d’une éventuelle clarification, il est rappelé que, si le constructeur étranger est susceptible d’échapper à l’obligation d’être assuré, il n’en va en revanche pas de même pour le maître d’ouvrage français qui est tenu de disposer d’une assurance dommages-ouvrage.
A retenir :
• L’article 1792 du code civil impose à tout constructeur intervenant sur un chantier de souscrire une assurance de responsabilité civile décennale sans quoi il s’expose à des poursuites pénales.
• Les constructeurs étrangers peuvent échapper à l’obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile décennale.
• Il est recommandé d’insérer dans son contrat une clause indiquant que c’est le droit français qui régit le contrat.
Ghislain Lepoutre, avocat à la cou, maître de conférences
Rappel des conditions de la responsabilité décennale :
L’article 1792 alinéa 1er du code civil dispose que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol qui compromettant la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement le rendent impropre à sa destination »
En vertu de l’article 1792-1, est assimilé au « constructeur » de l’ouvrage « tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de dommage ouvrage »
D’après le code civil entrent dans la catégorie des ouvrages garantis par la responsabilité décennale des constructeurs :
– Les ouvrages (non défiais par la loi) dès lors que leur solidité est compromise ou lorsqu’il est porté atteinte à leur destination.
– L’ouvrage est généralement entendu comme une construction immobilière fixée au sol ;
1. Les éléments constitutifs ou d’équipement » des ouvrages précités, quels qu’ils soient des lors qu’ils portent atteinte à la solidité ou à la destination de l’ouvrage en son entier
2. Les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert lorsque, la encore, il est porte atteinte à leur solidité ou lorsqu’ils sont impropres à leur destination
3. Les éléments d’équipements indissociables, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent être démontées ou déplacés sans détérioration ou enlèvement de matière de l’ouvrage, et lorsqu’il est portée atteinte à leur solidité sans nécessaire porté atteinte à la
Solidité de l’ouvrage en son entier.
En revanche « les éléments d’équipement d’un ouvrage dont le fonctionnement exclusif est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage » ne relèvent pas de la garantie décennale.
L’application de ces critères aux installations photovoltaïque s’avère délicate notamment en cas d’incendie, la garantie décennale non seulement l’incendie mais également la simple menace d’incendie. En effet, il a été jugé par exemple que le non-respect d‘une norme de sécurité pour la pose d’un ciblage électrique « induisant un risque de départ de feu » rend l’ouvrage impropre à sa destination et partant engage la responsabilité décennale de l’entreprise qui a procède à son installation. Toutefois la question de la qualification de l’installation photovoltaïque au regard des critères légaux de la garantie décennale et l’impact d’un sinistre qui affecte cette installation sur l’ouvrage reste délicate à trancher.
Construction – Responsabilité décennale – Jurisprudence
La loi Spinetta qui a institué la responsabilité décennale des constructeurs, fête ses quarante ans. Si pour la plupart, l’arrivée de la quarantaine est signe de stabilité, la loi Spinetta a encore la fougue d’un adolescent désireux d’aller explorer des territoires inconnus…
Après avoir récemment étendu son champ d’application aux éléments d’équipements dissociables, elle part à la conquête des fournisseurs.
La motivation de l’arrêt
La haute juridiction a estimé que « la société Lafarge n’était pas seulement intervenue comme fournisseur du matériau mais en qualité de constructeur au sens de l’article 1792 du code civil ». Pour statuer ainsi, elle a relevé que « dont le préposé présent sur les lieux los du coulage des deux premières trames, avait donné au poseur des instructions techniques précises notamment quant à l’intitulé de joint de fractionnement complémentaires auxquelles le maçon qui ne connaissait pas les caractéristiques du matériau sophistique fourni s’était conforme avait ainsi participe activement à la construction dont elle avait assumé la maîtrise d’œuvre. L’importance des conseils délivrée par le fournisseur de béton justifierait que son contrat de vente se transforme en contrat de maîtrise d’œuvre permettant ainsi d’engager sa responsabilité décennale.
Cette jurisprudence ne doit pas être confondue avec la responsabilité décennale des fabricants d’un Epers. En effet dans une telle hypothèse si la responsabilité du fournisseur est retenue c’est parce que l’élément qu’il a vendu, a été conçu et produit pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l’avance pour le chantier. Il n’est ainsi nullement question come dans l’arrêt commenté d’un devoir de conseil lors de la pose
Critique de la solution
Pour considérer que le fournisseur était devenu maître d’œuvre, la Cour de cassation s’est fondée sur les conseils qu’il a délivrés aux poseurs. Une telle motivation est néanmoins artificielle dans la mesure ou en agissant ainsi le fournisseur se borne à exécuter une obligation qui n’est pas contractuellement prévue mais que la jurisprudence a ajouté à son contrat. Dès lors en délivrant des conseils un fournisseur ne chercher pas à sortir de sa fonction en participant à la construction d’un ouvrage mais à exécuter les obligations incombant à tous vendeurs professionnels. La Cour ne saurait ainsi lui reprocher de s’être conforme à sa jurisprudence. L’arrêt commente procède donc d’une dénaturation du contrat de vente dont l’objet principal reste la fourniture d’un produit. La solution retenue traduit également une méconnaissance de la fonction de maître d’œuvre. On ne saurait en effet réduire la fonction de maître d’œuvre à la délivrance d’instruction technique précises. L’objet d’un marché de maître d’œuvre est bien plus large, puisqu’il vise à « apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme ».
Admettre la définition adoptée dans l’arrêt commente conduirait à retenir la qualification de maître d’œuvre chaque fois qu’un entrepreneur délivre des conseils à un contactant ou à sous-traitant ce qui est très fréquent sur un chantier. Il arrive souvent lorsqu’il y a une interface entre deux corps de métier qu’un entrepreneur en assiste un autre ou donne des conseils sans qu’il puisse ipso facto être qualifié de maître d’œuvre.
La portée de l’arrêt
Dans le chantier objet du litige, le maître d’ouvrage avait directement commandé le béton auprès du fournisseur ce qui est rare. C’est précisément est important car pour que la responsabilité décennale soit retenue, il faut avoir un lien contractuel avec le maitre d’ouvrage. Ainsi, lorsque les matériaux auront été commandés par un locateur d’ouvrage. La responsabilité décennale du fournisseur ne pourra pas être engagée, qu’elle que soit l’importance des conseils qu’il a délivrés. Cet arrêt n’est pas sans conséquence sur ces hypothèses dans la mesure ou le fournisseur sera considéré comme ayant participe à la construction de l’ouvrage. Son contrat ne sera donc plus qualifié de contrat de vente mais de contrat d’entreprise ou, à tous les moins de contrat mixte. Une telle requalification aura notamment des conséquences en matière d’application des clauses aménageant la garantie des vices cachés ou de prescription.
Une question qui reste en suspens est de savoir si cette jurisprudence est susceptible d’être transposée à tous les fournisseurs quels que soient les matériaux fournis. En l’absence des précisions la réponse sera probablement affirmative. En effet, la seule condition posée par la Cour de cassation est d’avoir par l’importance des conseils données participe à la construction de l’ouvrage. Cette condition restreint néanmoins l’application de cette jurisprudence aux produits dont la pose est complexe. A défaut le fournisseur n’est pas vocation d’intervenir pou aider le poseur. En outre, dans l’arrêt commenté, la Cou a relevé qu’un prépose du fournisseur était présent lors du coulage du bétons et que le poseur n’était pas un sachant en la matière. Il est délicat de déterminer si ces éléments sont de simples indices permettant de caractériser la participation du fournisseur à la réalisation de l’ouvrage ou s’ils constituent des conditions à part entière pour engager sa responsabilité décennale. La première hypothèse semble la plus vraisemblable au regard de la rédaction de l’arrêt.
Impact en matière d’assurance
Quel que soit l’attrait de la solution rendue, elle a des conséquences néfastes sur la garantie des fournisseurs par leur assureur puisqu’elle conduira à des refus de garantie. En effet, le plus souvent, ceux-ci ne souscrivent que des polices responsabilité civile qui excluent généralement : les dommages relevant de l’article 1792 du code civil. Ainsi, en retenant la responsabilité décennale d’un fournisseur pour des manquements qui relevaient habituellement de sa responsabilité contractuelle ou délictuelle, la Cour de cassation le prive de sa couverture d’assurance. D’autant qu’au-delà du fondement juridique du recours son assureur n’a bien évidemment pas vocation à garantir un désordre résultant de l’exercice le l’activité maître d’œuvre.
Les fournisseurs vont donc être contraints de souscrire une assurance décennale afin d’éviter de se retrouver sans couverture. C’est même une nécessite puisqu’il s’agit d’une police obligatoire dont le défaut est sanctionné pénalement et constitue une faute du gérant détachable de ses fonctions.
Mais comment évaluer alors la prime dans une telle hypothèse – ou il n’existe qu’un seul précédent – tout en ignorant la suite que lui donnera la jurisprudence ?
Il est en effet possible que cet arrêt reste isolé, même si sa publication au bulletin démontre la volonté de la cour de cassation de lui conférer une certaine importance. Quoi qu’il en soit cela promet d’après négociation entre les assureurs, les assurés et leurs courtiers.
Garantie décennale –
Responsabilité contractuelle –
Travaux d’importance relative
Civ 3e, 28 février 2018, n°17-13.478
Les Faits : Dans le cadre de la restauration de son atelier, un fabricant de pièces électriques sollicité l’intervention d’un entrepreneur. Consécutivement aux travaux d’étanchéité réalisés sur les chéneaux du bâtiment, le maître d’ouvrage se plaint d’infiltrations d’eau sur son lieu de travail. Il assigne, l’application des régimes de responsabilité contractuelle et de la garantie décennale est écartée. Un pourvoi est formé.
La décision : Le commanditaire fait grief aux juges du fond d’avoir écarté l’application de l’article 1792 du code civil, d’avoir rejeté tous les chefs de prétention, invoqués au titre du devoir de conseil et de la responsabilité contractuelle. Son pourvoi est rejeté.
Commentaire :
En vertu de l’article 1792 du code civil, tout constructeur intervenant sur un chantier peut voir engager sa responsabilité décennale si la solidité de l’ouvrage est compromise ou si un des éléments constituant le rend impropre à sa destination. Il sera déclaré responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage. Selon les hauts magistrats, les travaux réalisés – en raison de leur modestes importance et en l’absence d’incorporation de nouveaux matériaux à l’ouvrage – ne constituent as un élément constitutif de l’ouvrage qui relevé de l’article 1792 du code civil (Civ 3e 14 septembre 2017, n°16-17.323, incendie déclenche los de la poste d’un insert : La haute juridiction rappelle que relèvent e la responsabilité décennale les désordres « affectant des éléments d’équipement, dissociable un non, d’origine ou installés sur existant » lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination).
Garantie décennale –
Maçonnerie –
Activité déclarée au contrat
Civ 3e, 28 février 2018, n°17-13.618
Les Faits :
Une société confie les travaux de réfection de son local commercial à un entrepreneur, qui sous-traitant les travaux de revêtement du sol. Consécutivement à une expertise, le commanditaire assigne le maître d’œuvre, le liquidateur du sous-traitant et leurs assureurs, en réparation de ses préjudices. En appel, ses demandes sont rejetées. Un pourvoi est formé.
La Décision :
Pour rejeter les demandes du commanditaire, les juges du fond retiennent que « (le maître d’œuvre) » a déclare l’activité professionnelle de travaux de maçonnerie générale, mais que l’activité d carreleur est distincte de celle de maçon, ls travaux de maçonnerie n’impliquant pas nécessairement la pose de carrelage, et qu’il s’ensuit que l’assureur est fondé à soutenir que les conditions de sa garantie ne sont pas réunies ». L’arrêt encourt la cassation.
Commentaire :
En vertu de l’article 1792 du code civil, tout constructeur intervenant sur un chantier peut voir engager sa responsabilité en cas de malfaçons. A ce titre, il a l’obligation de souscrire une assurance et en cas de désordres, l’assureur devra sa garantie pour les seules activités déclarées au contrat.
Contrairement aux juges du fond – qui opèrent une distinction entre l’activité de carreleur et celle de maçon – la haute juridiction considère que l’activité de maçonnerie inclut la pose de carrelage. Dès lors, les conditions de la garantie sont réunies et l’assureur est tenu d’intervenir.
Désordre évolutif –
Survenance –
Absence de garantie décennale
Civ 3e, 28 février 2018, n°17-12.460
Les Faits :
En 2005, deux particuliers acquièrent une maison d’habitation dans laquelle des travaux de maçonnerie et d’assainissement ont déjà été réalisés et réceptionnés en 2001. Constatant des désordres, ils assignent l’entrepreneur et son assureur, en indemnisation de leurs préjudices. En appel, l’assureur du maître d’œuvre est condamné à payer la somme de 8000 € aux nouveaux acquéreurs. Un pourvoi st formé.
La décision :
Se basant sur des conclusions d’expertises mettant en exergue « la certitude de la survenance, à court terme, d’un désordre », les juges du fond retiennent que ces éléments suffisent à engager la responsabilité décennale du constructeur et la mobilisation de la garantie de l’assureur « des lors que ce dommage, futur, ne peut être considéré comme hypothétique et qu’il a été identifié, dans ses causes, dans le délai décennale d’épreuve, même s’il ne s’est pas réalisés pendant celui-ci » L’arrêt encourt la cassation.
Commentaire :
La garantie décennale, dont la mise en jeu est inhérente à un désordre compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, doit être actionnée dans les 10 ans suivant la réception du bien. Mais qu’en est-il d’un dommage identifié par un expert mais non réalisé dans le délai décennal ?
Malgré la certitude de l’évolution du désordre, la Haute juridiction considère que les conditions d’applications de l’article 1792 du code civil ne sont pas satisfaites.
A compter du 1er juillet, le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) couvre les sinistrés en cas de faillites d’assureurs français, mais aussi étrangers opérant avec le passeport européen, en RC auto ainsi qu’en dommages-ouvrage.
C’est une autre retombée de l’affaire SFS qui a défrayé la chronique sur le marché de l’assurance construction. En effet, suite à une « plainte citoyenne » déposée par le courtier, Bruxelles avait sommé la France de revoir les règles du Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) au motif d’une « inégalité de traitement » entre assurés.
Explications : depuis 2003, le FGAO intervenait sur toutes les assurances obligatoires (RC auto, RC médicale, RC civile professionnelle, dommages-ouvrage et garantie décennale en construction) afin de prendre en charge les sinistres des particuliers, en cas de retrait d’agrément ou faillites des assureurs opérant sur ces marchés. A une différence près : en RC auto, le Fonds de garantie couvrait aussi bien les particuliers assurés auprès d’entreprises françaises que les assurés auprès d’entreprises étrangères opérant en France grâce au passeport européen (Libre Prestation de Services ou Libre établissement). Cette prise en charge était, en revanche, limitée aux seuls assureurs français pour l’assurance construction.
Dommages-ouvrage : extension aux acteurs opérant en LPS
L’ordonnance publiée le 27 novembre dernier remédie à cette situation. Elle prévoit qu’à compter du 1er juillet 2018, le FGAO indemnise les assurés particuliers en cas de défaillance des assureurs français, mais aussi étrangers opérant en France, en RC auto mais aussi en dommages-ouvrage. Pour les autres assurances obligatoires, en revanche, les assurés ne pourront plus exercer de recours auprès du Fonds si leurs assureurs venaient à être placés en liquidation. « En réalité, notre intervention en cas de défaillance d’entreprises d’assurance est déjà concentrée sur la RC auto à 95% et la dommages-ouvrage à 4% », précise Philippe Roux, directeur du FGAO. Une question se pose, toutefois : l’exclusion de la garantie décennale de son champ d’intervention, alors que la défaillance d’un assureur construction peut aussi bien concerner la RC décennale que l’assurance dommages-ouvrage. Un sujet écarté, pour l’heure, par le législateur.
Une mesure limitée aux nouveaux contrats
Le décret, qui devrait être publié prochainement au Journal Officiel, prévoit que le nouveau champ d’intervention du FGAO s’applique aux contrats nouveaux et renouvelés à partir du 1er juillet 2018, mais pas au stock de contrats existants. Cela signifie que, lors de la période de transition, le FGAO n’interviendra pas pour les contrats déjà en cours d’assureurs étrangers en dommages-ouvrage.
Pour le Fonds de garantie, l’extension de son champ d’intervention aux acteurs opérant avec le passeport européen pose quelques difficultés. « Nous l’avons déjà expérimenté en RC auto, notamment avec EIC (Enterprise Insurance Company), un assureur basé à Gibraltar dont l’agrément a été retiré en 2016. Le pilotage est compliqué car le liquidateur de l’entreprise d’assurance est rattaché à une autorité qui n’est pas l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution). Par ailleurs, après notre intervention vis à vis des particuliers lésés, nous exerçons un recours contre la liquidation. Lorsqu’il s’agit d’un assureur étranger opérant en LPS, nous agissons contre le liquidateur étranger et aussi contre le Fonds de garantie du pays d’origine à condition qu’un tel fonds existe et que le recours contre celui-ci soit possible », explique Philippe Roux.
Financement par des contributions spécifiques
Selon nos informations, le décret prévoit, en outre, de revoir les modalités de financement de la mission « défaillance » du FGAO. Celle-ci sera financée par branches, par des cotisations des assureurs opérant en RC automobile et en dommages-ouvrage, y compris en LPS. Jusqu’ici, les défaillances faisaient l’objet d’un financement spécifique uniquement pour les assureurs agréés en France, si bien que ce sont les contributions au titre de la non-assurance automobile (cotisations des assureurs et des assurés) qui pouvaient servir à prendre en charge les assurés d’acteurs défaillants non agréés en France, comme EIC, au titre de leur insolvabilité.
La nouvelle réglementation présente un mérite : en dommages-ouvrage, ce sont les assureurs sous-provisionnés, donc les plus exposés au risque de défaillance, qui cotiseront davantage. Mais le schéma est loin d’être idéal, regrette Philippe Roux. « En cas de faillite d’un assureur opérant en LPS, la logique de marché, et celle du passeport européen, voudraient que ce soit au fonds du pays d’origine de l’entreprise défaillante d’assumer la prise en charge finale des conséquences économiques de la faillite », souligne-t-il.
Pour la RC auto, cela devrait bientôt être le cas, dans le cadre de la révision en cours de la directive automobile. La proposition de la Commission Européenne prévoit, en effet, que le pays où vit l’assuré lésé indemnisera celui-ci, avant de pouvoir récupérer la somme auprès du Fonds de garantie du pays d’origine. En attendant une application à d’autres marchés de l’assurance… ?
RESPONSABILITE DECENNALE : Normes parasismiques applicables aux modifications importantes de structures
Faits :
En 2006, une SCI transforme une ferme en appartements locatifs. Elle confie les travaux à deux sociétés distinctes, toutes deux assurées en responsabilité civile décennale. Constatant la non-conformité de l’immeuble aux normes parasismiques, la SCI assigne les deux entrepreneurs en indemnisation. En appel, les juges du fond déclarent les entrepreneurs responsables in solidum et les condamnent à régler une provision à la SCI. Ces dernies se pourvoient en cassation.
Décision :
Compte tenu de la date de délivrance du permis de construire, les juges fond considèrent que c’est le décret du 17 Mai 1991 et l’arrêté du 29 Mai 1997 qui s’appliquent au cas litigieux. Ils concluent à l’existence d’un désordre décennal résultant de la non-conformité des travaux litigieux aux normes parasismiques.
Selon les auteurs du pourvoi « relève de la présomption de responsabilité décennale et de la garantie le défaut de conformité aux normes parasismiques ayant un caractère obligatoire à la date de délivrance du permis de construire ». Les juges du fond auraient privé leur décision de base légale au regard de l’article 1792 du code civil, les travaux litigieux échappant au champ d’application de la norme parasismique. Le pourvoi est rejeté.
Commentaire :
La haute juridiction suit le raisonnement des juges du fond et relève que les normes parasismiques s’appliquent aux modifications importantes de structures des bâtiments existants et qu’en l’espèce, il est question de telles modifications. Ls non-conformités constatées constituent bien un désordre de nature décennale.
Par une décision du 25 Mai 2005, la Haute juridiction avait retenu la responsabilité civile décennale du constructeur en raison de la non-conformité aux normes parasismiques qui constituait « un facteur avéré et certain de perte de l’ouvrage par séisme ».
REjoignez-nous !
Des experts en assurance et banque sont là pour vous guider dans la réalisation de vos projets. Notre agence Axa est située au 7 avenue de Fronton 31200 Toulouse dans le quartier des Minimes.